L'homme entra dans la taverne telle une ombre. Silencieusement, il prit verre au comptoir désert, et se dirigea dans l'ombre de la taverne. La solitude, il n'y a que ça de bon. A vrai dire, il n'y a que ça qu'il ne connaissait. Les autres sentiments, les émotions... Des choses qu'il avait appris dans des livres, rien de plus. Il était plongé dans sa méditation, lorsqu'un homme entra. Un chevalier sans doute. Il était vêtu d'une armure de métal étincelant, et semblait bouger avec une certaine difficulté. Ressentant tout de même de l'ennui, il se permit de l'interpeller, le voyant attendre on ne sait quoi devant le comptoir vide :
- Eh, tu ferais mieux d'aller te servir, sinon tu vas rouiller, si t'attends un tavernier...
Il vit la silhouette se tourner dans sa direction, avec un air d'incompréhension dans le regard. Il ouvrit cependant la bouche, et dit :
- Si vous le dîtes, je vais donc le faire.
Le personnage en armure prit donc place derrière le comptoir, se servi dans un tonneau, et proposa, en partant s'asseoir sur son banc :
- Voulez-vous vous joindre à moi, inconnu ?
- Non, je ne le souhaite pas, répondit l'ombre, instinctivement. Ceci dit, il se leva. Il était habillé d'une grande cape noire, avec un capuchon qui recouvrait presque entièrement son visage. Il se retourna, et parti s'installer au fond de la taverne, dans l'obscurité la plus totale. La seule chose qu'on aie pu retenir de lui était ses yeux d'un gris étincelant, qui luisaient sous son capuchon. Il entendit au loin l'homme bredouiller :
- Et bien c'est comme vous le voulez mais vous devez sûrement vous ennuyez seul... ici.
L'ombre mystérieuse s'assit sans un bruit, et se mis à penser... "Pourquoi ce personnage lui parlait ? Qui était-il ? Pourquoi voulait-il à tout prix ma présence ? Etait-ce cela que les autres appelaient une 'relation' ? Que de questions... Suis-je tellement différent ?". Légèrement mal à l'aise, il avala quelques gorgées de son verre.
Pendant ce temps, le chevalier bu un peu de sa mixture, et tenta en se tournant vers le fond de la taverne :
- Pourquoi ne voulez-vous pas parler? Ne soyez pas gêné je suis des plus aimables et je ne ris d'aucune différence physique ou mental.
L'ombre hésitait. Que faire en cette situation ? Simuler une émotion ? Oui, mais laquelle ? "C'est confus... Je ne sais plus quoi penser...". L'étrange personnage se leva, et se dirigea vers l'homme. Toujours le visage à demi-masqué, ne laissant apparaître que ses yeux et une petite partie de son visage, il déclara d'une voix des plus sérieuses :
- Je ne sais pas qui vous êtes. Je ne sais pas non plus comment apprendre à vous connaître. J'ai l'habitude de suivre mon instinct plutôt que mon cœur, vu que je pense être dénué de ce dernier. Et mon instinct me dit que vous ne valez pas la peine que je vous connaisse.
Il souffla comme après un effort intense, et s'éloigna de quelques mètres en direction de la cheminée, et s'arrêta là, le dos tourné à l'autre homme.
Le chevalier, quant à lui, se mit à sourire. Il s'avança vers l'ombre, et lui mit une main sur l'épaule, tout en lui disant :
- Faîtes comme bon vous semble, après tous c'est votre vie.
L'homme encapuchonné, figé sur place, se mit à penser : Ce ton dans sa voix... C'est inhabituel, on dirait... Je ne sais pas... Peut être ce qu'ils appellent de la compassion... Ou de la pitié. Oui, il devait sans doute avoir pitié de moi. Il réagit comme il pensait être bon de réagir dans ce cas, et se dégagea vivement de l'emprise du personnage. Après quoi il parti à grand pas, sans un mot, vers la porte, d'où il disparu.